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INTERVIEW AVEC LE PERE JOSE MINAKU SJ (Revue Tam-Tam, mai 2024)

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INTERVIEW AVEC LE PERE JOSE MINAKU SJ (Revue Tam-Tam, mai 2024)

  1. Bonjour, Révérend Père. Pourriez-vous brièvement présenter votre personnalité à nos lecteurs ?
  • Je m’appelle José MINAKU. J’ai fait mes études secondaires Latin-Philo au collège Boboto, promotion 1986. Après mon diplôme d’État, j’ai rejoint la Compagnie de Jésus ou j’ai fait mes premiers vœux en 1989. Après 3 années d’études philosophiques à Kimwenza, j’ai été envoyé à Louvain-la-Neuve (Belgique) où j’ai fait des études en Littérature/Linguistique avec une orientation en communication. J’ai travaillé ensuite pendant deux années au Collège Boboto, comme professeur de français en 6ème . En 1998 j’avais été envoyé à Nairobi au Kenya pour commencer les études théologiques au terme desquelles j’ai été ordonné diacre. J’ai continué mes études théologiques à Berkeley, aux USA. A la fin de mes études, j’ai été nommé successivement comme Adjoint du Maître des novices à Kisantu (2002-2004), Assistant (Socius) du Père provincial à Kinshasa (2004-2010) , Recteur du collège Alfajiri (2010-2014), Provincial de la Province d’Afrique centrale (2014-2020), Directeur du Centre spirituel Amani de Bukavu et enfin, depuis décembre 2022, Président de la Conférence jésuite d’Afrique et Madagascar.
  • Je suis très heureux que vous ayez pensé à moi pour cette interview. Je suis donc toute oreille.
  1. Depuis le 3 décembre 2022, en la fête de Saint François Xavier, le Père Arturo Sosa, Général de la Compagnie de Jésus, vous a nommé Président de la Conférence des Jésuites d’Afrique et de Madagascar (JCAM). En quoi consiste cette mission dans une Afrique en proie aux déchirements sociopolitiques ?
  • Dans l’organisation administrative jésuite, le Continent africain comprend 7 provinces : Afrique centrale (Congo Angola), Afrique nord-ouest (pays de l’Afrique occidentale anglophone), Afrique de l’Ouest (plusieurs pays de l’Afrique occidentale francophones), l’Afrique de l’Est, l’Afrique du Sud, le Madagascar et enfin le Rwanda-Burundi. Mon travail consiste à faire la coordination de ces différentes provinces.
  • J’ai sous ma charge directe trois institutions d’enseignement universitaire : Hekima University College à Nairobi, au Kenya ; Arrupe Jesiuit University à Harare, au Zimbabwe et Institut de théologie de la Compagnie de Jésus. Je gouverne le conseil d’administration des ces institutions ; je cherche et engage les professeurs. Je dois aussi chercher les moyens pour faire vivre ces universités.
  • Le Président de la Conférence a aussi la charge de représenter l’Afrique au Conseil du Père général à Rome et dans les grandes réunions internationales.
  • Le siège est à Nairobi d’où j’opère. Il se fait que je passe ma vie à voyager énormément.
  1. Vous êtes l’un des anciens élèves du collège Boboto, quels sont les moments inoubliables et saillants de votre passage dans cette école de grand renom ?
  • Boboto dans son ensemble est un souvenir merveilleux. La 6ème littéraire, le Sénat, aura été une expérience inoubliable : vie commune à l’internat, échanges sur nos rêves et ambitions, etc. Mais je pense que vous voulez avoir quelques éléments concrets anecdotiques :
  • Nous avions vécu avec anxiété le départ, d’un seul coup, de nos professeurs belges, quand le Président Mobutu avait mis fin à coopération belge. Des voix proclamaient la fin de la qualité ! On a vu alors arriver des jeunes professeurs congolais (zaïrois) qui ont pris la relève sans complexe : les Yambo, Kabulu, Nsoni, etc. C’était remarquable ! Miss Anson, actuelle conseillère pédagogique (affectueusement appelé Miss tout court) était parmi ceux qui ont veillé au maintien du niveau)
  • Le théâtre m’a légué des souvenirs inoubliables : nous avions joué Topaze (de M. Pagnol) et Le malade imaginaire (de Molière) ; ce fut un grand succès, surtout à cause de la présence du Lycée Bosangani comme public…
  • Dans une des vitrines du bureau du Recteur, on trouve des trophées. Nous notre promotion qui avait remporté le premier trophée du tournoi de Basket organisé par TASOK en 1986. Pour arriver là, nous devrions battre en quart de final l’Institut du Kasaï mené par un certain… Mutombo Dikembe ! Heureusement qu’il n’avait pas joué tout le match, car le premier quart-temps était désastreux pour nous.
  • Je me rappelle particulièrement d’une réunion que nous avions tenue en 4ème littéraire, si j’ai bon souvenir, pour dénoncer désormais les tricheurs. Quand quelqu’un tentait de tricher, il était dénoncé !

 

  1. D’aucuns estiment que le niveau de l’enseignement dans notre pays est au rabais. Pour cause, l’absence d’une bonne politique éducative. A cela s’ajoute la gratuité de l’enseignement qui ne cesse de créer les tensions auprès des enseignants avant chaque rentrée scolaire. Qu’en pensez-vous ?
  • Ce sujet me chagrine énormément quand j’y pense et que je pense à l’avenir de nos jeunes que vous êtes. Le désir de promouvoir l’éducation pour tous est remarquable. Il fallait commencer quelque part. Le pouvoir Kabila l’avait commencé très timidement et le Président Tshisekedi a voulu passer dans la vitesse supérieure. En fait, partout dans le monde, l’enseignement n’est pas gratuit., car c’est l’État qui prend cela en charge. Il est même extrêmement couteux. Il suffit de regarder les dépenses en éducation par rapport au PIB pour voir les pays qui prennent au sérieux l’éducation. Pour la RDC, la part du budget allouée à l’éducation ne traduit pas une volonté réelle de rendre l’éducation gratuite.
  • La gratuité de l’enseignement ressemble malheureusement à un slogan populiste et creux qui déstabilise sérieusement notre système éducatif. On ne devrait pas faire de la politique sur un domaine aussi délicat que l’enseignement, car l’avenir de nos jeunes est sérieusement compromis. Il faudra des années pour remonter la pente, car dans la situation actuelle, nous glissons tout droit vers l’abime. Je rappelle ici qu’il a fallu plus de 12 ans pour corriger les dégâts causés par les années blanches des années 1990… Nous aurons beaucoup de peine pour sortir du gouffre où nous sommes.
  • Je vais donner un exemple. Ma charge me conduit à circuler énormément en Afrique. Je prends le temps d’observer les systèmes éducatifs et de les comparer. Je constate avec beaucoup de tristesse que nos jeunes ne sont pas compétitifs par rapport au jeunes rwandais, kenyan, ougandais, camerounais, tanzaniens, etc. Dans un contexte d’intégration régionale, quelle chance ont nos jeunes pour compétir avec les autres ? J’ai rencontré une fois un Directeur technique d’une grande compagnie minière au Katanga. Il a exprimé son désir d’engager les jeunes congolais. Grande était sa surprise de voir que nos jeunes ne font pas le poids à coté d’autres jeunes des pays africains.
  • Au point où nous sommes, la gratuité est irréversible. L’État doit prendre sa responsabilité et mettre des moyens conséquents.

 

  1. Le présent numéro de la Revue Tam-Tam, organe d’expression des élèves du Collège Boboto, a pour thème : la résurgence des coups d’Etat en Afrique : voie pour la révolution de l’Afrique ? Nous sommes sans ignorer que l’Afrique, depuis son accession aux indépendances jusqu’à l’heure actuelle, a du mal à stabiliser sa situation non seulement sur le plan sociopolitique, mais aussi sécuritaire. L’on dénote de nombreux coups d’Etat ce denier temps. Quelle serait, selon vous, la cause d’une telle crise ? Et comment y remédier ?
  • Les coups d’État que l’on observe ces derniers temps ont certes des causes multiformes, selon les circonstances particulières de chaque État, mais il convient d’interroger leur opportunité. Pourquoi maintenant et pourquoi ce rythme ? S’il faut chercher un dénominateur commun, l’on mettre certainement le doigt sur une situation d’insécurité endémique, de violence et d’une guerre qui ne dit pas son nom et dont les tireurs des ficelles ne s’en cachent plus. Il y a des manipulateurs sans scrupule qui œuvrent à la division de l’Afrique et qui mettent de l’huile au feu pour tirer des gains économiques et financiers. Un autre dénominateur commun est la précarité socio-économique où l’Afrique s’est engouffrée : plusieurs économies africaines ont été détricotées par une un chapelet des crises : immobilière, financière, énergétique (pétrole) et sanitaire (COVID 19). Enfin, il faut note la dimension politique de ces coups d’État : certains régimes sont tellement obsédés par la conservation du pouvoir qu’ils sont prêt à faire des concessions à des occidentaux voraces, au détriment de leur pays et des populations. Ces trois causes, parmi d’autres, en touchant le tissu social, ont provoqué le désespoir. Quand l’on se noie, on est prêt à s’accrocher à n’importe quel objet flottant. On comprend ainsi les adhésions populaires et massives à ces mouvements des coups d’État. Les réseaux sociaux y ont contribué énormément.
  • Est-ce une panacée ? Je doute fort, car les nouveaux régimes doivent faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour répondre aux attentes des populations sur le plan sécuritaire et socio-économique. Et les méchants manipulateurs sont tapis en embuscade, attendant les nouveaux maîtres au tournant… En même temps, il faut reconnaître que pour des questions de dignité, il faut des sacrifices. La fontaine l’illustre si bien dans la fable « Le loup et le chien. » Le loup préfère être libre et famélique, plutôt qu’attaché et rassasié. A chacun de trouver une réponse à ce poignant dilemme.

 

  1. Les relations entre la France et quelques-unes de ses anciennes colonies se détériorent de plus en plus, jusqu’au point où le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont exigé à cette dernière de rapatrier ses militaires qui combattaient aux côtés de leurs armées respectives. Quelle lecture faites-vous de cette réalité lugubre ?
  • La Politique française en Afrique spécialement en Afrique de l’Ouest est d’une époque. En fait, les présidents successifs que nous voyons à la tête de ce pays sont eux-mêmes pris au piège des lobbyistes, des grosses entreprises internationales qui sont en fait les vrais tireurs des ficelles sous cape. Demander à la France de retirer ses troupes est un bon début d’émancipation. Mais il faut aller plus loin… Nous parlons ici des pays dont les Banques centrales sont gérées par la France. Nous parlons des pays dont une bonne partie de la population est subjuguée par la France. Nous parlons des pays où certaines artères principales des villes portent des noms français, tels que Chirac, Mitterrand, et que sais-je encore ! Et donc l’émancipation qui a commencé doit se faire à un niveau encore plus profond. Sinon, certains leaders africains continueront à se comporter des « esclaves consentants. » Des idéologues comme Senghor ou Mobutu avaient chanté la Négritude ou l’Authenticité… Que sont devenus ces belles théories ?
  1. Avez-vous un message fort à adresser au corps professoral du collège Boboto et aux élèves ?
  • Aux professeurs et parents je rappellerais ce mot du jésuite Theillard de Chardin : « le futur appartient à ceux qui donnent aux générations futures des raisons d’espérer. » Nous vivons certes un temps de morosité. Nous ne devons pas sombrer dans la fatalité, mais plutôt consentir au sacrifice pour sauver ce qui peut encore l’être.
  • Aux jeunes, je dirais qu’il ne faut pas désespérer. Dans les préférences apostoliques universelles définies par la Compagnie de Jésus récemment, vous avez une place de choix. La Compagnie de Jésus a fait de vous une priorité. Allez au-devant de cette Compagnie de Jésus ; interrogez-là et rappelez-vous que pour réussir, il faut aussi consentir à des sacrifices. If you train hard, you will fight easy !
  1. Un mot de la fin, si possible.
  • J’invite le Collège Boboto à s’ouvrir davantage au monde. Venir au Collège juste pour avoir un bon diplôme et partir, c’est rater l’essentiel de ce qui se passe dans nos collèges jésuites. Le Collège Boboto fait partie d’un réseau de 7 collèges jésuites au Congo (Bonsomi, Kubama à Kisantu, Sadisana à Kikwit, ITPK à Kikwit, Ntemo à Kasongo Lunda, Mwapusukeni à Lubumbashi et Alfajiri à Bukavu) avec lesquels il convient d’interagir. Au niveau africain, le collège est dans un réseau de 55 autres écoles organisées dans le JASBEAM (Jesuit Association of Secondary and Basic Education in Africa et Madagascar).
  • Enfin, le collège est dans un grand réseau de plusieurs centaines d’écoles dans le monde. Le mot de la fin est donc d’inviter le collège à s’ouvrir davantage, pour un rendez-vous du donner et du recevoir.
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Kuma-Kuma Mousa Landry Sj

Régent au collège Boboto

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